(retour au prologue)

D’un bond, le Lazare se releva et sortit de sa cachette. À peine avait-il touché le sol qu’il tournoyait sur lui-même et que son épée, tendue au bout de son bras, cherchait une chair à mordre. Ce fut une gorge que l’épée trouva en premier et qu’elle trancha sans prendre le temps de s’arrêter.


Assurément, le Lazare savait tuer.

Les trois hommes qui faisaient face au Lazare étaient courts et trapus, voutés tous les trois, presque bossus. Tous les trois étaient chauves et portaient un tunique blanche ornée sous l’épaule gauche d’une croix rouge et pattée. Celui des trois qui avait commencé à mourir portait un ample réservoir terminé par un tuyau et une petite flamme. Les deux autres étaient armés de bâtons longs à bouts métalliques. L’un d’entre eux tenait encore à la main un émetteur-récepteur radiophonique, l’autre une lanterne qu’il gardait avec précaution loin du réservoir. Le Lazare identifia trois Templiers et un lance-flammes, sentit un anachronisme mais préféra garder les questions pour plus tard. Il n’avait pas souvenir d’avoir jamais rencontré un Templier, a fortiori d’en avoir égorgé.

Le mourant ne s’était pas encore rendu compte qu’il mourait. Le deuxième hurlait dans l’émetteur, à l‘attention de Contrôle Alpha, que le Lazare était armé et qu’il tuait, sans préciser qui était tué. Le troisième, lanterne lâchée, bondit vers le Lazare avec une vitesse surprenante. Son bâton de combat fendit l’air et toucha le Lazare à l’épaule, alors que ce dernier venait tout juste de déplacer son poids pour repartir à l’attaque. Le Lazare encaissa douloureusement le choc et interposa son épée juste à temps pour parer l’autre embout ferré avant que celui-ci ne le frappe au genou. Le Templier bondit de nouveau vers l’arrière alors que le Lazare essayait à son tour de le balayer du plat de la lame. Le mourant suffoqua et l’opérateur radio tourna sur lui-même pour fuir.

Le Templier sauteur avait échappé à la lame du Lazare et le Lazare esquiva à son tour le bâton qui visait cette fois sa tête. Le Lazare se lança sur le Templier avant que celui-ci ait le temps de ramener son arme, pénétra sa garde mais le rata d’un cheveu. Le Templier s’était jeté, de profil, sur le côté et il cherchait de nouveau à reprendre de la distance. Le mourant paniqué et qui hurlait maintenant en silence bloqua le Templier bondissant dans la manœuvre, lui fit perdre son équilibre et le força à convertir son esquive en une roulade arrière improvisée. L’acrobatie maladroite s’acheva douloureusement contre un des gisants. Le Lazare essaya d’embrocher le Templier mais n’arriva qu’à lui ouvrir profondément un bras.

Le Templier au sol était piégé, désarmé et saignait. Un autre continuait à mourir et le dernier à fuir. Le Lazare se releva, aux aguets, souffle court, l’épée tendue vers son ennemi tombé. Il comptait interroger son prisonnier avant l’arrivée des renforts. Son idée changea lorsqu’il identifia le geste que le Templier esquissait. Les yeux vissés dans ceux du Lazare, le Templier venait de sortir son bras valide de sa tunique. Il tenait une grenade à main, dont il essayait à présent d’arracher la goupille. Le Lazare l’acheva d’un coup d’épée au cœur.

Le Lazare se retourna, attrapa la besace et la glissa en bandoulière. Il se baissa rapidement pour prendre la grenade et la glisser dans son sac, puis, encore nu, épée ensanglantée à la main, il s’enfonça en courant dans le couloir. Avant de replonger dans l’obscurité, il remarqua que son avant-bras gauche était tatoué de large lettres gothiques. « LÈVE-TOI ET MARCHE, » ordonnait le tatouage.

« Très drôle, » murmura le Lazare.

(prochain épisode)